Protection des données médicales & certification de médicaments : la blockchain au service de la santé

 

« La blockchain : nouvelle plateforme numérique du secteur biopharmaceutique » énonce Sanofi. En effet ” Sanofi Ventures a pris une participation dans Curisium, une entreprise de Manhattan Beach en Californie, qui développe une plateforme reposant sur la technologie de la blockchain”, explique un porte-parole de Sanofi. L’importance de la blockchain commence à s’affirmer dans le secteur de la santé. Elle permettrait de solutionner différentes problématiques telle que la sécurisation des données médicales et la lutte contre le trafic de médicaments. De plus elle pourrait constituer un levier d’innovation médicale (essais cliniques).

 

Tout d’abord, la « chaine de blocs » peut être définie comme une technologie de transmission et de stockage de l’information, c’est en fait une base de données numériques infalsifiables. Elle dispose de trois caractéristiques majeures : elle est transparente, sécurisée et fonctionne sans organe central de contrôle. Le caractère inviolable de la blockchain en fait une opportunité majeure en termes d’enregistrements des données patients (base de données universelle) mais également en termes de certification des médicaments. Ce dernier point soulève l’attention quand on sait que 10 à 30% des médicaments commercialisés dans les pays en développement sont des faux.

Aujourd’hui “Sanofi étudie la possibilité d’intégrer la technologie de la blockchain à différents secteurs de son activité”, explique Milind Kamkolkar, directeur du développement de Sanofi. Ainsi quels sont les domaines d’applications de la blockchain dans le secteur de la santé ?

La gestion des données patients

Les données médicales se revendent actuellement à un prix près de 20 fois supérieur à celles bancaires. Les patients ne sont pas « maîtres » de leur données et ces dernières sont mal communiquées entre les différents acteurs de l’écosystème, comme par exemple aux praticiens. En effet quand on va chez un nouveau médecin sans son carnet de santé ce dernier nous questionne sur notre historique médical. Il peut arriver d’oublier de lui communiquer une information capitale. Le même phénomène se produit avec l’imagerie médicale : nous devons apporter les documents lors de nos différents rendez-vous.  La blockchain intervient en se posant comme un registre fiable, inviolable et généralisé. Les patients pourront se réapproprier leurs données médicales et en gérer l’accès (lutte contre la vente de données). Ils pourront par exemple autoriser l’accès à leur médecin traitant et à leur famille. Parallèlement lorsque le patient va voir un nouveau praticien il peut lui autoriser l’accès et permettre ainsi au médecin d’avoir l’historique médical du patient depuis sa naissance (examens médicaux compris).

Plus précisément l’accès au dossier de santé électronique universel pourrait requérir un certain nombre de signature (clés privés) pour en ouvrir l’accès. Prenons l’exemple concret d’un patient qui fait un malaise dans la rue : ce dernier ne peut pas débloquer l’accès à ses données médicales. Cependant l’accès au dossier pourrait se faire grâce à la réunion de 3 clés privés accréditées : celle de l’hôpital, celle de l’ambulance et celle d’un membre de sa famille. Ce système élimine tout organe central de contrôle.

Plus largement, la blockchain regrouperait les dossiers médicaux universels mais également les assureurs, les institutions de santé et les industries pharmaceutiques. Ainsi la blockchain permettrait d’automatiser les paiements des prestations médicales grâce à des Smarts contracts¹. De plus, les patients pourraient vendre anonymement leurs données médicales aux industries pharmaceutiques, aux centres de recherches et aux pouvoirs publiques. Ces dernières pourraient donc conduire des études sur de larges échantillons tandis que les patients seraient automatiquement indemnisés lorsque l’entreprise recevrait les données.

Ainsi la blockchain en tant que registre inviolable, transparent et sécurisé permet aux patients de se réapproprier la gestion de leurs données tout en étant un historique immuable et certifié sur le long terme de leur santé.

La lutte contre la contrefaçon

Grâce à sa transparence et à son inaltérabilité la blockchain peut être utiliser comme système de certification des médicaments et des essais cliniques. L’Europe est majoritairement épargnée mais ce n’est pas le cas de tous les continents. L’Organisation Mondiale de la Santé estime à 700 000 le nombre de décès provoqués chaque année par l’ingestion de faux médicaments (absence ou insuffisance de principe actif). La blockchain apparait comme un moyen efficace de traçabilité des médicaments. Ses caractères universel et transparent pourraient permettre aux entreprises pharmaceutiques, aux particuliers ou encore aux régulateurs d’avoir accès aux mêmes données. Ainsi du fait de son caractère immuable la blockchain permettrait de suivre un médicament depuis sa production jusqu’à sa commercialisation et donc de l’authentifier.

Dans la même logique, les dossiers médicaux seraient certifiés sur la blockchain. Ainsi aucun changement ne pourrait être couvert par une institution ou un particulier : toute modification serait définitivement enregistrée dans la blockchain. Cela permettrait une lutte efficace contre la fraude d’ordonnance par exemple. En 2016, le gouvernement estonien a conclu un accord avec la start-up Guardtime pour sécuriser près d’un million de dossiers médicaux sur la blockchain.

Enfin la véracité des essais cliniques et des travaux de recherche est très régulièrement remise en cause. En effet 60 à 80% des travaux de recherche seraient infondés scientifiquement parlant. La blockchain permettrait donc un gain de temps en les authentifiant mais également une plus grande fiabilité.

Une innovation technologique

Avec l’internet des objets connectés (IoT) et le partage des données, l’e-santé est en croissance exponentielle. Quelle serait l’opportunité d’une implémentation de la technologie blockchain ? La blockchain pourrait intervenir dans la sécurisation des données prélevées directement par les robots (lors de chirurgie) mais également pour « la prise de décision » des robots chirurgiens grâce aux Smarts contracts. Prenons l’exemple d’un robot qui détecte un kyste, ce dernier prélèverai différentes informations directement envoyées sur la blockchain (taille du kyste, emplacement etc.). Dès lors, un smart contract permettrait le déclenchement de l’action du robot (il enlève le kyste). Un smart contract se déclenche lorsque toutes les conditions préalables ont été remplies. Ainsi dans notre exemple le robot envoi plusieurs informations médicales sur la blockchain, elles remplissent les conditions initiales du Smart contract et le déclenche (retrait du kyste).

Par ailleurs, les prélèvements de sang pourraient être effectués à l’aide des objets connectés. Ces derniers détecteraient la veine grâce à des capteurs infrarouges, effectueraient la prise de sang, analyseraient les échantillons puis enverraient les résultats de manière sécurisée grâce à la blockchain.

Ainsi la blockchain, en tant que registre sécurisé, infalsifiable et transparent, est au cœur des problématiques actuelles dans le domaine de la santé. Son rôle de cadastre peut permettre de nombreuses innovations en termes de gestion des données. Dans l’ère de l’innovation digitale et du numérique, le carnet de santé apparaît comme un objet désuet. De plus, son interopérabilité a un rôle à jouer dans la lutte contre les différentes fraudes. Enfin la blockchain et l’IoT offrent diverses opportunités d’innovations dans les domaines médicaux et paramédicaux. Le secteur de la santé semble donc très prometteur pour la technologie blockchain. Différents défis techniques mais aussi réglementaires se présentent face à l’émergence de cette technologie.

« Une nouvelle conjoncture économique et concurrentielle se dessine, dans laquelle la confiance et la transparence seront des facteurs qui feront toute la différence. »

Richie Etwaru, futuriste et Chief Digital Officer d’IQVIA

Manon Seraut, KryptoSphere ®

 

 

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