En France, les crypto-monnaies sont principalement connues et utilisées à titre spéculatif, avec encore peu d’applications économiques concrètes. Cependant, en Afrique, les crypto-monnaies et la technologie Blockchain sont directement envisagées avec un aspect bien plus concret : elles permettent d’améliorer le niveau de vie des africains et de mieux répondre à leurs besoins dans de nombreux secteurs.
Cet article vise à comprendre comment et pourquoi la Blockchain et les crypto-monnaies ont un réel potentiel en Afrique.
Tout d’abord, selon une étude de 2014, près de 35% des fonds caritatifs envoyés en Afrique n’arrivent pas à destination des personnes ciblées : pour cause de fraude, de détournement d’argent ou encore de vols. Cela est en partie dû aux nombreux intermédiaires qui s’imposent depuis la personne donatrice jusqu’à celle qui réceptionne le don. En utilisant la technologie Blockchain (comme le permet aujourd’hui l’UNICEF en Australie avec https://www.thehopepage.org/), ou les crypto-monnaies comme le Bitcoin ou l’Ethereum, il devient très difficile de détourner les envois de dons réalisés en crypto-monnaies de par leur caractéristique « peer to peer » (envoi directement d’une personne à une autre, sans intermédiaires).
Par ailleurs, seulement 23% des adultes en Afrique sont titulaires d’un compte en banque, et cela pour diverses raisons : ils sont insolvables, n’ont aucun patrimoine de garanti, ils ont des problèmes d’identité ou encore ils n’ont pas de revenus réguliers. Cette exclusion financière nuit gravement au développement du continent Africain. Cependant, plusieurs solutions semblent se profiler comme l’utilisation des crypto-monnaies en tant que moyen d’échange. En effet, le taux de pénétration de la téléphonie mobile en Afrique est de 80% et continue d’augmenter. Cela pourrait permettre aux personnes sans identité ou encore à celles insolvables de vivre décemment et cela malgré les fluctuations des cours des crypto-monnaies.
Certes, l’argument de la volatilité des cours est souvent mis en avant pour freiner leur acceptation massive par les entreprises et particuliers, mais n’oublions pas que de nombreuses monnaies nationales sont toujours très instables (particulièrement en Afrique). En effet une étude portant sur 10 pays africains en 2016 met en lumière des ratios d’inflation inhabituels pour plusieurs pays tels que le Sud-Soudan (avec un taux d’inflation de 295%) ou encore l’Égypte (avec un taux le plus bas de 12,30 %). De plus, pour être forte, une monnaie se doit d’être reconnue et acceptée par tous : ce qui n’est pas toujours le cas en Afrique. En revanche, le Bitcoin (parmi d’autres) fait état d’un consensus international avéré pour ses utilisateurs et d’une grande fiabilité dans ses transactions. Ainsi, certains acteurs tel que Bitpesa se sont imposés sur le marché d’échange de crypto-monnaies en Afrique.
Un milliard de personnes à travers le monde luttent encore pour prouver leur identité et, par conséquent, elles peuvent avoir des difficultés à exercer leurs droits et à accéder à aux services de base. Parmi les un milliard, 78% d’entre eux sont Africain ou Asiatique. La technologie Blockchain pourrait ainsi permettre l’identification des personnes depuis leur naissance, de manière transparente, inaltérable, immuable, sécurisé et décentralisée, afin de permettre aux individus de prouver leur identité de façon rapide et efficace, tout en évitant l’altération ou la destruction de leurs documents d’identité.
L’exemple du Programme Alimentaire de l’ONU « Bulding Blocks », actuellement opérationnel en Syrie pour permettre à 10 000 réfugiés de s’identifier, de payer et d’accéder (via reconnaissance de l’iris) à des soins de bases, pourrait ainsi se démocratiser rapidement en Afrique. Ce système a par ailleurs permis de réduire de 98% les frais traditionnels de transactions à situation équivalente.
De même, dans le cas de conflits armés, un réfugié pourrait accéder à un compte bancaire même après avoir été déplacé de son pays d’origine. Cela pourrait aider à maintenir la dignité du réfugié et, espérons-le, à diminuer l’extrême pauvreté causée par ce terrible bouleversement.
Grâce aux fameuses ICOs (Initial Coin Offering : une façon très rapide de participer et d’investir avec peu de contraintes, en utilisant des crypto-monnaies, dans des projets à fort potentiel afin d’espérer bénéficier à terme des biens et services créés par ces projets), le tissu entrepreneurial très dense en Afrique va pouvoir se développer plus rapidement et plus efficacement. Cela dans le but de voir émerger des géants africains dans des secteurs prometteurs tel que celui de l’humanitaire, de la finance ou encore de l’assurance. Avec une population jeune et en forte croissance, le numérique semble donc être une voie privilégiée pour les jeunes africains. La mise en place d’ICOs peut aider à concrétiser et à financer plus facilement leurs divers projets que s’ils passaient par des méthodes de levées de fonds traditionnelles (risque de dilution du capital par des acteurs étrangers, lenteur des processus …).
Envoyer de l’argent en utilisant les banques traditionnelles est très coûteux pour la diaspora Africaine avec des frais de transaction de 10 % en moyenne (avec Western Union par exemple). Cela représente un réel manque à gagner pour l’économie Africaine. En effet si les membres de la diaspora africaine utilisaient les crypto-monnaies telles que le Bitcoin ou l’Ethereum (ou encore de « stable coins » comme le Tether ou plus récemment l’USDC), ils pourraient échanger simplement et rapidement avec leurs portables des actifs financiers de manière fiable et sécurisée, et avec très peu de frais et de requis pour y accéder. De plus, au cours des deux dernières années, l’utilisation des smartphones sur le continent Africain a doublé pour atteindre 226 millions d’utilisateurs : une aubaine pour l’essor des crypto-monnaies en Afrique.
D’ailleurs, de nombreux services bancaires mobiles parallèles ont fait leur apparition, comme M-Pesa, qui totalise aujourd’hui 17 millions d’utilisateurs au Kenya. Cela atteste donc de la recherche de moyen de transfert de fonds alternatifs de la part des populations africaines. Finalement, les crypto-monnaies permettent d’investir, d’améliorer les capacités commerciales et de rétablir le pouvoir d’achat en permettant aux habitants de contourner les restrictions bancaires.
Avec 2,5 milliards d’Africains d’ici 2050, le système des assurances en Afrique devra être à la hauteur des besoins de ce continent. Parallèlement la technologie des Smarts contracts de la Blockchain d’Ethereum (ou encore ceux de d’autres crypto-monnaies similaires comme Lisk ou NEO) devrait permettre d’automatiser, d‘optimiser et de simplifier de nombreuses démarches administratives dans des domaines spécifiques. On peut citer l’exemple de l’indemnisation rapide, fiable et directe d’une personne à une autre pour cause d’incidents climatiques. Grâce aux Smarts contracts, les secteurs de la Finance et des assurances peuvent être révolutionnés en Afrique, afin de tendre vers une plus grande fiabilité, une importante crédibilité et une internationalisation des transactions effectuées.
Finalement, l’une des dernières applications potentielles les plus disruptives en Afrique, concerne la transparence et la confiance gouvernementale. En effet, la technologie Blockchain pourrait enfin permettre une lutte efficace et durable contre la corruption et le blanchiment d’argent, tout respectant les décisions des populations lors des élections (sans controversions comme c’est bien souvent le cas aujourd’hui). Une Blockchain pour certifier et suivre le droit de vote des habitants peut ainsi paraitre utopique pour certains. Cependant, une fois quelques contraintes de mise en œuvre dépassées, cela pourrait être tout à fait envisageable et donnerait aussi une stabilité politique et financière durable à de nombreux pays africains.
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